July PHILIPPE, Série Dédoublement 1, 2020, impression sur papier, 20,46 x 15,24
J’explore dans ce travail plusieurs aspects de la présentation. Le matériel inhérent dans mon processus créatif et utilisé comme médium artistique : la lumière qui permet d’explorer des champs infinis de possibilités entre le visible et l’invisible, le matériel et l’immatériel, la légèreté et la pesanteur, l’inerte et le vivant.
Le dispositif de projection fait partie de l’oeuvre. J’ai utilisé la lumière pour ses qualités intrinsèques, son potentiel esthétique et sa dimension symbolique. La superposition de l’image et du corps réel permet de réfléchir sur la lumière comme médium artistique. Je tente de rendre sensible la manière dont la lumière s’impose comme un matériau véritable.
La lumière s’inscrit au coeur de notre perception du monde sensible. La lumière révèle la richesse de notre environnement et peut insuffler une poétique à la perception. J’utilise comme Verjux une lumière « projetée, directionnelle, cadrable et focalisable. »
La relation entre le dispositif in situ et son spectateur acteur permet de développer une esthétique dynamique en modifiant l’espace, amenant ainsi le sujet à vivre une expérience tangible, sensible et singulière.
Cette représentation de soi associée à la présentation de soi pose la question de l’éclatement du je et du trouble identitaire entre ce que je suis et ce que je veux être, entre ma présence psychique et ma présence physique, entre mon double insaisissable et moi, entre la conscience et l’inconscience. Même si plusieurs interprétations sont possibles pour le spectateur, une certitude subsiste : l’homme se découvre en disant « je ».
La conscience est donc le moi fondateur du monde, du sens et l’absolue certitude de l’affirmation de soi. D’où cette évidence, « je pense donc je suis ». Cette certitude que je suis est la certitude de la pensée elle-même.
Dans cette oeuvre, nous voyons au début la superposition de l’image et de la personne réelle. Progressivement, la personne réelle disparaît en laissant uniquement l’image de la personne visible. La superposition de l’image et de la personne réelle s’apparente à une sculpture de lumière, comme un moulage de la personne réalisée par la lumière.
À l’inverse, ce même dispositif révèle aussi, en tant qu’empreinte, l’immatériel que recèle le corps, comme une transmutation des corps par la lumière grâce à la photographie (le sujet devient spectre). L’oeuvre continue à évoluer parce qu’elle est conçue avec des paramètres changeants : le sujet qui dialogue avec l’oeuvre.
L’image de la personne témoigne d’une présence passée (trace du réel) et la personne réelle est dans le présent. Nous valorisons ici la temporalité en matérialisant l’instant présent et la fugacité du temps qui passe.
Je viens de détailler de la manière la plus concise mon processus créatif. Le second aspect, essentiel, que je vais aborder maintenant : l’appréhension du public de l’oeuvre. Un dispositif photographique permet de prendre en photo le spectateur et de projeter son image sur le mur. Il peut admirer son image et créer du lien avec elle. Une véritable expérimentation sur soi est offert par ce dispositif interactif et sensoriel.
Cette mise en jeu du réel et du virtuel me permet de proposer une vision sur l’acte de création. Nous assistons en temps réel à la réinterprétation de l’oeuvre par et pour les spectateurs acteurs.