Je me souviens de la première fois où j’ai vu le tableau de Magritte « ceci n’est pas une pipe ». J’ai été très intriguée par cette peinture.
Pourquoi ajouter ce texte au dessus de la figuration d’une pipe ? Parce qu’il s’agit de la représentation d’une pipe et non d’une pipe réelle. Cela introduit la notion de présentation opposée au concept de la représentation dans l’Art.
Un artiste a dès lors la possibilité de travailler en 3 dimensions des sujets en les présentant dans ses oeuvres. Ce qui nous amène à aborder la question de l’exposition de l’oeuvre. En complément du travail de l’artiste, nous abordons ici la question de la rencontre entre l’oeuvre et le public : la scénographie. Autrement dit, nous abordons la mise en scène de l’oeuvre dans un espace particulier.
Les relations spatiales et visuelles entre une oeuvre et son public peuvent faire partie de la démarche artistique de l’artiste.

C’est ce qui m’intéresse particulièrement. Nous allons découvrir dans cet article comment le parcours visuel des oeuvres imaginé par l’artiste et réalisé par le spectateur non plus seulement avec les yeux mais aussi avec le corps joue un rôle très important dans la compréhension du travail de l’artiste.
Le déplacement peut être de plusieurs natures : distance à respecter, tourner, longer, être dessus, être dessous, être dedans. L’appréhension visuelle est inévitablement différente du fait de la multiplicité des points de vue offerts par l’artiste.
Rien de tel que des exemples pour illustrer ce que je viens d’énoncer :
Le travail sur la temporalité infinie avec Roman Opalka






Les oeuvres les plus connues de Roman Opalka s’intègrent dans une série intitulée « Projet de vie 1965 / 1-∞ ». Dans cette série, l’artiste a peint des nombres qui se suivent accolés et sur un fond de plus en plus blanc pendant 40 ans.
En plus de peindre ces nombres, l’artiste a crée un dispositif complet associant le son avec sa voix qui énonce les nombres dans sa langue natale et l’image photographique avec un portrait de l’artiste toujours exposé de la même manière et avec la même expression de visage. Selon Opalka, le but était « de mémoriser une partie de mon changement physique et de mon reflet psychique. »
Son oeuvre s’est achevée au moment de sa mort. Cet engagement profond et irréversible nous présente le temps dans toute sa splendeur et dans une accalmie implacable dont la fin est par défaut la mort. En parcourant cette série d’oeuvres de long en large, le spectateur est confronté à sa condition humaine et prend conscience du temps qui passe. L’artiste nous offre aussi avec une grande force une perception subliminale de la vulnérabilité de l’homme dans un espace temps infini.
Le travail sur l’espace architectural de Felice Varini

Varini travaille sur les points de vue et l’espace architectural. Il intervient in situ dans des lieux différents. Ses oeuvres offrent une perspective particulière. Nous devons être situé à un point précis si nous voulons comprendre quel est le sens de ces formes/lignes peintes sur les façades/murs.
Il force ainsi le spectateur à se situer à un emplacement précis si le spectateur veut voir le point de vue de l’artiste. Nous parlons ici d’installations in situ. Mais le spectateur peut aussi se balader sur le lieu et ne pas voir uniquement le « point de vue aligné » de l’artiste. Ce qui n’est, vous en conviendrez, pas possible lorsque vous regardez une toile. Concrètement, l’oeuvre créée est constituée de l’ensemble des points de vue que le spectateur peut avoir sur elle. Vous pouvez voir un exemple ci-dessous :




Mon oeuvre favorite est « 360°, rouge n°2 », Felice Varini. Exposition « 50 espèces d’espaces », La vieille Charité, Marseille, France, 1998.
L’ambiguïté forte de cette oeuvre réside dans sa capacité à créer une ligne infinie dans un espace clos si l’on se trouve au bon endroit. Varini nous impose de nous positionner à un seul et même endroit pour voir l’alignement parfait d’une ligne rouge continue, pour suivre également notre propre fil rouge.
Dans une approche différente mais toujours sur le même thème, vous pouvez consulter la fiche artiste de Daniel Buren.
Le travail sur la lumière SOLIDE avec Anthony McCall

Son exploration créative se porte sur la lumière et plus particulièrement sur la projection de la lumière. Il développe une esthétique intrinsèque en proposant un univers onirique et sensoriel grâce à ce qu’il nomme les « lumières solides. »
Il sculpte un corps à la lumière avec des installations uniques et déroutantes. Après un passage par le cinéma comme moyen d’expression, McCal se soucie de maîtriser techniquement les sources lumineuses dans ses dispositifs de projection. L’ombre des spectateurs interagit avec l’oeuvre en ne faisant plus qu’un avec le cône de lumière. Ses oeuvres permettent une véritable immersion où le spectateur peut presque saisir l’impalpable.
Dans une approche différente mais toujours sur le même thème, vous pouvez aller plus loin avec l’artiste Anish Kapoor.
Il y a de nombreux autres exemples que je pouvais citer. Je pense à Mark Rothko qui indique une distance précise pour admirer pleinement ses oeuvres mouvantes ou encore à Tony Oursler pour ses créatures effrayantes avec une vraie pensée des relations corps/image/perception/espace/matérialité/immatérialité. D’autres articles à venir sur les artistes interrogant le rapport entre l’objet, sa représentation et le langage.
N’hésitez pas à me poser vos questions sur les réseaux sociaux. A bientôt pour un nouvel article sur notre blog Art Les Collectionneuses !